Investissement hôtelier dans un contexte de crise

Investissement hôtelier dans un contexte de crise

Le 17 avril dernier, KMH Gestion Privée a reçu Jean-Marc PALHON, fondateur et dirigeant d’EXTENDAM, société de gestion spécialisée dans l’hôtellerie. Pour rappel, KMH Gestion Privée, située à Lyon, est une société de conseil en gestion de patrimoine qui fait partie de notre groupe Hubsys. Voici le résumé de cette interview, sur les conséquences financières de la crise du COVID-19 sur le marché de l’hôtellerie, et sur ses perspectives à court et moyen terme.

Quelle est votre situation actuelle ?

EXTENDAM est une société de gestion indépendante dont le capital est détenu à 100% par nos collaborateurs. Nous sommes aujourd’hui une équipe de 30 personnes avec des profils très compétents et variés.

Aujourd’hui, 87% de nos hôtels sont fermés. Ce pourcentage se rapporte à nos 210 hôtels. Mais, avant toute chose, il est important de savoir une chose : seuls les restaurants, bars et cafés sont concernés par l’arrêté de fermeture administrative. Nos hôtels qui sont actuellement fermés le sont donc en vertu d’une décision de gestion interne, qui a été traité au cas par cas sur chacun de nos hôtels. 

Quelle est votre stratégie d’investissement ?

Nous achetons des hôtels, essentiellement murs et fonds de commerce. Nous sommes donc propriétaires de l’ensemble de la création de valeur potentielle sur un actif hôtelier. Un point essentiel, c’est que nous nous intéressons à l’hôtellerie d’affaires, mais sur un seul segment : le segment économique milieu de gamme. Concernant l’hôtellerie d’affaires, il faut avoir des emplacements assez spécifiques (proximité d’aéroports, centre-ville …). De plus, une autre chose essentielle, c’est que nous achetons des actifs qui sont rentables par nature.

80% de nos clients sont des clients domestiques, c’est-à-dire du même pays que l’hôtel. Nos hôtels en France sont remplis par des français, de même en Allemagne et les autres pays où nous sommes investis. Ainsi nous ne dépendons pas d’une clientèle internationale.

Chez EXTENDAM, nous faisons de l’investissement hôtelier. En revanche, nous ne sommes pas dans le métier de l’exploitation au quotidien. Nous avons donc confié l’exploitation de nos 210 hôtels à 47 exploitants différents, en fonction de la zone territoriale, et des spécificités de chacun des hôtels. Ces 47 exploitants font partie des meilleurs acteurs de l’hôtellerie au niveau européen. Ils ont d’excellentes relations avec les grands groupes hôteliers (ACCOR, INTERCONTINENTAL, etc.) et usent fréquemment de leurs franchises (Ibis, Mercure, Holiday Inn, Marriott, etc.)

Quel est l’impact réel sur votre portefeuille ?

La fermeture de nos hôtels est motivée par plusieurs choses. Premièrement, quel est l’intérêt de garder des hôtels ouverts au risque de mettre en péril la sécurité sanitaire des collaborateurs et des salariés de ces hôtels ? Deuxièmement, il faut préserver les équilibres financiers. 

EXTENDAM étant essentiellement propriétaire de ces hôtels murs et fonds, nous n’avons pas été dans le débat du paiement d’un loyer ou non. Nous sommes à la fois, « propriétaire et locataire ». Nous n’avons donc pas de flux de sortie d’argent à assumer.

L’emplacement de nos hôtels est vraiment premium. C’est donc le principal amortisseur de la situation. De plus, notre marché est à la base en excellente santé. La crise actuelle intervient donc sur un marché sain.

Dans l’hôtellerie, nous avons des marges qui sont très importantes (entre 30 et 40% en moyenne). Nous sommes donc très loin de ce que peuvent vivre les restaurateurs aujourd’hui. De plus, le BFR (besoin en fonds de roulement) est négatif puisque nous n’avons pas de fonds de roulement à financer. En effet, le client paye avant de consommer ou au plus tard quand il quitte l’hôtel. Nous sommes donc face à des actifs qui ont de la trésorerie.

Nous apportons des fonds propres lors de nos investissements et nous mettons en place de la dette bancaire. Le levier bancaire a pour nous un énorme attrait car c’est un moteur de performance complémentaire et un accélérateur de performance.

Comme nous apportons beaucoup de fonds propres, notre niveau d’endettement cible est à hauteur de 40% lorsque l’on fait un montage financier. C’est très en dessous de ce qui se pratique dans l’hôtellerie et dans l’immobilier. Aujourd’hui, nous n’avons donc pas de problème de trésorerie ni de problème de refinancement de l’un de nos investissements.

Comment la situation risque-t-elle d’évoluer ces prochains mois ?

D’abord, nous pouvons observer qu’aujourd’hui en Chine, les taux d’occupation ont rebondi assez fortement. Chez EXTENDAM, nous avons donc scénarisé un confinement de 3 mois, de mi-mars à mi-juin.

La phase 1 se rapporte au déconfinement économique qui commencera à partir du 11 mai, et ce, de manière progressive.

La phase 2, de juin à août, sera plutôt la remise en route, encore une fois faite de manière progressive. C’est une phase où l’on ne va peut-être pas gagner d’argent mais on ne va en perdre non plus. C’est également une phase qui apporte un certain nombre d’incertitudes. En effet, quelques questions sont à soulever : 

  • Les français vont-ils prendre moins de vacances ?
  • Vont-ils travailler au mois d’août ?
  • Quel sera aussi l’impact du flux de personnes qui avaient prévu de partir à l’étranger et qui vont plutôt rester en France ?

Nous pouvons, grâce à cela, avoir un surplus de flux. En revanche, nous risquons de perdre les 20% d’étrangers que l’on accueille habituellement en business. Effectivement, ces personnes seront certainement les dernières à revenir. Il y aura donc des flux positifs et des flux négatifs.

La phase 3, sera certainement assez longue. Elle commencera en septembre 2020 et s’étalera sur 18 mois. Nous sommes convaincus que si le déconfinement se fait à partir de juin, et qu’il n’y a pas de reconfinement ultérieur, on recommencera à gagner de l’argent dès septembre. C’est en tout cas notre hypothèse.

Septembre, le mois de l’optimisme

Dès septembre, il est fort probable que quasiment tous nos actifs régénèrent du cash. En revanche, nous ne retrouverons pas tout de suite les niveaux de rentabilité que nous avions à l’automne dernier. Pour pouvoir retrouver un rythme équivalent à ce que nous avions en 2018-2019 (2018 et 2019 étant deux excellentes années), il faudra certainement attendre 2022.

Il y aura quelques flottements et d’ailleurs nous en profiterons. En effet, dans les semaines et les mois qui vont suivre le déconfinement, il y aura peut-être un peu moins d’acquéreurs, le temps que les choses se remettent en route.

Concernant la partie valorisation, comme pour les autres crises d’ailleurs, il n’y aura pas de très fortes baisses. Du moins sur les actifs hôteliers économiques milieu de gamme dans le domaine de l’affaire. Pourquoi ? Parce que si vous avez des emplacements de qualité et que vous avez acheté des actifs rentables, la valeur intrinsèque restera très forte. On ne s’attend donc pas à une chute drastique de valorisation. Tout cela sera beaucoup plus lissé.

Les opportunités de la crise actuelle

Chez EXTENDAM, nous effectuons des expertises indépendantes tous les semestres. Au 30 juin prochain, c’est-à-dire à la prochaine date de valorisation, il y aura certainement une baisse. Mais on ne s’attend pas à quelque chose de dramatique. La valorisation la plus intéressante risque d’être celle du 31 décembre prochain. En effet, nous aurons une année pleine et on aura un peu plus de recul.

Nous allons avoir des opportunités, bien évidemment, mais nous pensons tout de même qu’elles seront globalement assez rares et ne dureront pas longtemps. En effet, les vendeurs d’actifs qui nous intéressent n’ont aucune raison de brader leurs actifs alors qu’ils pourraient les revendre assez rapidement en 2021 et retrouver des prix de marché tout à fait cohérents.

Chez EXTENDAM, nous avons une volatilité sur les performances qui reste faible. Cela veut dire que les rendements ne seront jamais catastrophiques, même si tout va mal.

La diversification avant tout

Le maître-mot dans une gestion patrimoniale est la diversification. Aujourd’hui, les investisseurs qui ont largement diversifié devraient s’en sortir mieux que ceux qui ont trop concentré leur investissement.  

Conclusion

Pour résumé, le marché n’a pas véritablement souffert. Du moins, il se redressera rapidement. Pour les immeubles déjà en portefeuille, il n’y a pas de raisons de craindre une perte de valorisation ou de rendement réel sur la durée. Et pour les actifs qui doivent être investis, ils se vendront à des prix plus intéressants.  

Globalement, tous les secteurs sont impactés, sauf quelques rares exceptions comme dans le digital par exemple. Le secteur de l’hôtellerie est impacté, mais de manière beaucoup plus mesurée que ce que l’on peut entendre. Certains types d’hôtellerie sont beaucoup plus impactés et vont l’être sur des durées plus longues. C’est par exemple le cas du haut de gamme et de l’hôtellerie de luxe qui dépendent fortement d’une clientèle internationale.

En ce qui nous concerne, je pense que l’on pourrait sortir de cette crise presque plus fort d’ici 6 à 9 mois, sous la réserve que tout ceci s’arrête bien évidemment.

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